Yamadori ? Araki ? Les prélèvements.

ARAKI

 

Petits prélévements de plaine

Etude et retour d'expérience personnelle.

 

Cédric G.

 

Je n'écrirais dans ce document que des choses que j'ai faites et réalisées dans mon petit coin de "nature" qu'était la région que j'habite.

Je ne traite ici que des espèces "faciles à prélever", donc en majorité des feuillus.

 

Qu'est ce que le yamadori.

         Sous le terme Yamadori se cache l'action de prélever un arbre en montagne, essence même de certains bonsaï. Une montagne est à une altitude de 700 m, pour mémoire. Le reste des prélévements peut être appelé Araki (à l'aspect sauvage). 

         Il y a différentes façon de concevoir le bonsaï, faire du bonsaï mais c'est surtout savoir et pouvoir s'émouvoir d'une branche, d'un mouvement, d'un vide.

         La nature c'est faire ça mieux que nous. Nous, apprentis bonsaïka, recherchons sa créativité.

         La meilleure des façons de faire du bonsaï reste et restera de la graine vers le bonsaï, mais ceci nécessite la vue à très long terme, à"n+10, voire n+15"...

         Prélever un arbre, semble pour nombre d'entre nous, une solution de facilité, en effet le tronc est déjà épais, l'écorce belle et ridée et parfois (souvent ) le port général nous fait déjà penser au bel arbre de l'expo..., Mais il n'en est rien, nous allons passer plus de temps à combattre les défauts "naturels" peu ou pas acceptables dans notre discipline. Sans compter le plus difficile : La reprise.

 

Aspect "administratif" du prélèvement.

         Il est strictement interdit de prélever graines, plantes, arbres, bois mort ou même cailloux sans autorisations (j'ajouterais écrite) de l'ayant droit.

         Nous pouvons facilement trouver le propriètaire d'une parcelle par le biais de la mairie, du cadastre ou tout autre personne du terroir qui vous donnera un nom...

         Ensuite, rencontrer le propriétaire, lui exposer votre quête et votre projet n'est pas toujours le plus simple.

         Certaines espèces seront plus faciles à faire accepter (les invassives ou génantes, tel prunus spinosa ou crataegus) que des espèces plus nobles ou ayant aspect financiers à plus ou moins long terme (quercus, alisier...). Il faut en général faire comprendre que vous travaillerez proprement  (merci de ne pas laisser des cratères immondes...) et en général, c'est un oui..

 

Aspect technique du prélévement

 

         Dans la mesure du possible, il est (ou serait) bon de visiter votre prélévement plusieurs fois au cours de l'année , durant les quatres saisons, voire même sur plusieurs années, de cette façon vous pouvez vérifier la vigueur de votre arbre,  pour les caducs le voir sans feuilles permet également de se projetter un peu plus loin.

         Comme noté plus haut, nous sommes souvent attiré par le port ( la silouhette ) mais bien souvent ce n'est qu'un leurre.

         Nombres de ces branches seront mal placées  (donc supprécion), retirées lors du prélèvement car superflux pour le projet , ou simplement sécheront durant la phase de reprise.

         La "seule" chose que nous devrions regarder, c'est la base, notre futur nébari car c'est une des rares choses (sur des prélévements ) que nous aurons du mal à (re-)faire, les branches  et le port se font, avec le temps, plus facilement...

 

         Donc, reprenons : Vous repérez un arbre qui vous paraît sympatique, disons au printemps, vous repassez en hiver pour constater que les branches sont ce qu'elles sont ...Il peut être très intéressant de couper ce qui devra l'être ( ce qui signifie aussi que vous savez vers quoi vous souhaiterez aller, donc une connaissances des différents styles...) un éventuel bon cernage à l'aide du louchet (passage  à la verticale du louchet, une pelle bêche à fer plus long,  afin de vérifier la présence de racines latérales, les couper afin de provoquer la repousse de plus fines).

Un passage au démarrage de la végétation, pour vérifier la vigueur de l'arbre, puis au printemps suivant sorti de l'arbre.

Il m'est arrivé de constater que dans certains cas, la reprise la première année n'est pas forcément celle que l'on espérait... C'est souvent la seconde année que le végétal nous montre ce qu'il "a dans le ventre".

 

Quand prélever et pourquoi ?

         Hors les prélèvement dit d'urgences, il faut connaitre un munimun le cycle du végétal et comprendre qu'un arbre ( feuillus ou conifère) met en réserves durant l'automne donc il faudra attendre  de toute façon la chute des feuilles et quelques semaines de plus..

         Sortir un arbre en début de repos végétatif (octobre jusqu'à  janvier) nécessite de pouvoir lui faire passer les mois qui le sépare du réveil dans des conditions (encore plus) protégées.

 

         Loin des suggestions, voici ce que j'ai étais amenné à faire et qui marche plutôt (très) bien, c'est d'ailleurs devenu ma seule façon de faire..

         Prélever en fin d'octobre, mis en terre de jardin durant l'hiver, dans une terre qui ne sera pas gorgée d'eau durant cette saison, sans trop toucher aux racines (hormi les racines cassés lors de la sortie), et tailles longues des branches (tailles longues signifie que les branches taillés à cette période peuvent subir des retraits de sève, donc on raccourcit en laissant 2-3 bourgeons, minimum, au dessus de la taille souhaitée...).

         Au printemps, lorsque les bourgeons sont sur le point de gonfler et d'éclater, sortie de terre et  reprise des tailles des racines. A titre personel, je conseille de ne pas nettoyer les racines la premières année ! Simplement car seul nous importe, dans un premier temps, la reprise de l'arbre et  les mycorhyrzes (bactéries symbiotiques) sont pour la plupart présentent autour de la coiffe de la racine et des racines donc, à mes yeux, il est bon de les conserver , dans un premiers temps...

         On reprend les coupes de la partie aériennne en laissant un léger chico (petite partie de bois qui va sécher, qui lorsque l'arbre aura repris toute sa force (constatée) courant juillet-aout, nous reprendrons à la concave ou aux ciseaux, pour les parties les plus fines.

 

Habillages racinaires et aériens . Equilibre des forces ?

 

         Un arbre emmagasine ses forces et réserves dans ses racines.

         Si on veut une reprise "assurée", on préviligie le racinaire et on ne garde qu'un tire sève, donc pleins de racines et peu de branches, dans le pire des cas, une seule branche.

         Le plus important étant la reprise, on peut (on doit ?) garder des racines qui, durant les premières années assurent la reprise, et  seront supprimer lors du premier rempotage à la faveur des mieux placées.

         On vise la reprise, pas le pot d'expo!

 

Vous aurez remarqué qu'à aucun moment, je n'ai évoqué le mastiquage des plaies ? Et bien, simplement car je ne mastique jamais les plaies de mes arbres. Travaillant en Espaces Verts, si je devais mastiquer chacune des coupes... Je ne couperais plus ou passerais plus de temps à mastiquer qu'à couper... Bref...

 

Pot de culture ? Tranchée drainante ? Soins post -Prélèvement .

         Sortir un arbre, n'est, en soit, pas trop compliqué. Avec un minimun d'outils, qui sont le louchet ou bien une pelle bèche bien affutée, éventuellement une barre à mine, voire une pioche, ainsi qu'un sécateur force pour les parties aériennes et/ou souterraines récalcitrantes ou trop longues... A l'occasion une scie, pour les parties les plus épaisses...

On enfonce l'outil à la verticale afin de former une motte "transportable", attention, la terre c'est lourd !

Cette motte sera maintenu à l'humidité grâce à du papier journal humide, ou tout autre subterfuge, le tout ficellé ou bien, encore une fois, maintenue serrée puis mis en poche, genre poche poubelle noire.

La vitesse avec laquelle on travaille et celle qui sépare l'arbre de son retour dans un contenant est aussi primordiale. Même si j'ai, par le passé, sorti des arbres dans des conditions très limites et qu'ils aient dû attendre 3 jours en poche et que la reprise a été de au rendez vous, ça  reste pour moi une très bonne surprise... (Pour l'anecdote,  P icea du Doubs, prélévés la veille chez mon frère puis retour par voiture, et travail le lendemain).

Ce n'est pas toujours le cas. Pour un prélèvement en racines nues, un maximum de 4 heures... rapide, quoi.

 

         C'est les soins de suivi qui sont aussi les plus importants, en tout cas qui feront la différence ; un arbre prélevé doit être considéré comme un grand malade pas encore en convalescence. Suivant les coupes que vous avez fait  au niveau racinaire, on pourra mettre l'arbre en pot de culture, tranchée drainante ou en pleine terre, suivant la qualité de votre terre.

         Un arbre dont vous avez sorti un très bon racinaire, extrênement  développé, sans grosses coupes et rabattu correctement au niveau aérien peut très bien se faire une santé durant 2-3 ans en pleine terre. Dans ce cas, on  ne pratiquera qu'une seule taille par an, au début du printemps, en considérant cela comme une taille de structure et ceci à partir de la seconde année de culture.

         Quand les coupes ont été sévères, indépendement de l'espèce, un substrat drainant, voire ultra drainant,s'impose, type kiriu ou dans mon cas du simple gravier de route, de toutes granulométrie, même s'il m'arrive toujours d'utiliser du gravier de route notament pour les aubépines, je préviligie maintenant la pumice ou "ma" chamotte .

         Même si  drainant, il faut garder une dose d'humidité . La caisse de bois remplie de drainant est une très bonne chose, avec un arrosage quotidien.  Suivant les espèces on pourra apporter un rétenteur d'eau type écorce de pins composté et / ou tourbe blonde en petite proportion et plus en partie supérieure de la motte plutot qu'au fond (conserve une atmosphère humide plutot qu'une  humidité dans la motte). Pour ma part, je n'utilise plus que du 100 % drainant et un arrosage quotidien.

 

D'une manière générale, un substrat drainant garantira une bonne reprise. Une mise en pleine terre est bien souvent synonyme de mort, cela dépend encore une fois de la qualité de votre terrain...

 

         Autre facteur génant : Le vent. Nos arbres seront attachés et/ou mis à l'abri, car le vent est l'ennemi de la pousse des radicelles .

         Si vous avez la place et une peur de ne pas gérer l'humidité, une solution peut  être trouvée par le biais de la tranchée drainante, c'est à dire une tranchée de 40 cm de de profondeur (minimum, et  en fonction également des mottes sorties ) dans laquelle on viendra déposer un géotextile  ou bien une bâche plastique percée en son point le plus bas afin de ne pas garder l'eau d'arrosage. On remplie ensuite avec du drainant type pouzzolane, pumice, graviers... On y met les arbres prélevés et je conseille un paillage sur l'ensemble type BRF (bois déchiquetté ) ou paille.  Le BRF restant à mes yeux le plus efficace et il peut aussi apporter son lot de mycorizes.

         Sachant que les conditions de reprises sont aussi en fonction de la chaleur et de l'humidité (serre) mais pas forcément du soleil, qui brule, on prendra soin pour la reprise, d'ombrer la serre ou passage au blanc d'Espagne.

         L'installation type jardin d'hiver, batiment "fermé" avec une façade exposée plein sud, et un sol type terre battu est aussi un bon compromis pour une bonne reprise car on y retrouve la chaleur, l'humidité et en y ménageant un léger courant d'air, afin d'éviter les maladies, type oïdium, développement d'agents pathogènes..., et pas de soleil direct sur les feuilles ...

Dans de bonnes conditions on ne sortira les arbres que mi aout, puis on les laissera à l'ombre, puis plein soleil au "soleil d'automne" et hivernage durant la mauvaise saison. Mise au soleil de façon progressive l'année suivante. 

 

Apport de nourriture, engrais et /ou amendement  ?

         A la reprise visible de votre arbre, il pourra être apporté engrais organique en petite quantité, de façon solide, car la décomposition et donc l'apport se fera plus lentement, presque à la demande de votre arbre. Cet apport léger sera maintenu toute l'année si ultra drainant, avec une diminution notoire durant les mois chauds . Ce qui ne signifie pas forcément d'arréter l'apport... L'apport de granulés se fait lorsque la petite quantité que vous avez apporté c'est complétement dissout,  le mieux est encore d'attendre une semaine après ce constat.

         Personnellement, il m'est arrivé, durant la période de reprise, car elle correspondait aussi à ma période de rempotage et donc de bouturage de racines, de mettre le surplus d'hormones de bouturage dans mon eau d'arrosage. Je ne sais pas si cette action était profitable ou pas.

         Toujours suivant les espèces et suivant la vigueur de celles ci, on peut au cours de la saison, procéder à un amendement sur le sol de votre pot de culture avec une pellicule de compost, celle ci servant à maintenir l'humidité et d'apport d'éléments nutritifs, bien sur votre compost sera et devra être très mur, plus de deux ans de compostage. (pellicule signifiant 1 à 2 mn d'épaisseur, cette méthode peut faire beaucoup de bien comme faire son contraire, puisque le substrat se colmatra plus rapidement, mais le but étant la bonne reprise de votre arbre et sa santé ... ).  Mais aussi tuer en un temps records votre arbre si votre compost est trop jeune. Ce n'est pas un exercice facile, et je ne conseille pas tant il m'est arrivé de me tromper de compost et de tuer certains arbres... Cette étape n'est absolument plus dans mes habitudes. 

         La première année, on peut apporter que de l'organique mais on pourra vite constater l'apparition de carences. La seconde année de culture, on alternera solide et liquide, pour une phase de culture plus soutenue.

         En terme d'apport d'engrais, organique comme chimique, il faut comprendre qu'il vaut mieux apporter moins (en quantité) mais plus souvent. Pour éviter de bruler un arbre, on commence toujours par l'arroser une première fois puis apporter l'engrais ensuite.

 

Les espèces.

         Les espèces que j'ai testé et que je conseille à tous les débutants comme moi, simplissime à prélever et d'une reprise facile sont :

Feuillus

                            - Le frêne, fraxinus excelsior.

         Un substrat même "pourri", type terre de jardin lui convient ! Je conseilles quand même une bonne part de pumice. Il est peu regardant sur l'époque de prélèvement. Ce n'est certes pas le roi des expo, mais se travaille en mame comme en grand.

                            - L'aubépine, crataegus monogyna.

         Un substrat  type 95 voire 100 % drainant puis le plein soleil avec un arrosage matinal quotidien fera de lui une de vos espèces de prédilections.

-Le charme, carpinus betulus.

         Peu regardant sur le substrat également, 50% drainant avec une part d'akadama, zéolithe ou même terre de jardin, seule l'exposition mi ombre lui importe...

                            -Le pommier, malus x

         Arbre robuste s'il en est un ! Substrat, peu importe. Exposition, peu importe...

                            -L'orme champêtre, Ulmus campestris.

         Je travailles cette espèce depuis quelques années, mais constate une reprise très facile, un rebourgeonnement assez étonnant, mes premiers sujets étaient dans du 80% drainant, maintenant c'est 100% .

 

         Citons aussi pour mémoire le prunus, salix, alnus glutinosa, qui se comporte bien, il faut une exposition ombragée à l'aulne lors de la reprise et une certaine dose de rétenteur ou bien de partie plus fines dans le substrat, idem pour les salix alors que les prunus apprécieront le soleil... Mais leurs vies de "bonsaï" (salix ) n'est guère longue... Pour commencer et se rassurer sur sa capacité à prélever et à gérer une éventuelle reprise.

 

                   Persistant

                            -Le buis, buxus sempervirens

         Attention, il sembleraient que certains buis, suivant leurs provenances réagissent différement. Exemple :  Les buis originaires de Charente, reprennent sur le vieux bois, bourgeonnent facilement en arrière, ce qui n'est pas toujours le cas (exemple : ceux qui viennent des Pyrénéens... dixit JF.). 

Substrat 60 à 70 % drainant.

Au rayon des conifères  ( à sortir en début de printemps, les conifères aiment les sols chauds.)

                            -L'if, taxus  baccata.

J'ai testé cette espèce depuis 2011, mais le prélèvement et la reprise m'ont très agrèablement surpris. Probablement le conifère qui se rapproche le plus de la façon de travailler des feuillus... "Facile" donc, à voir sur le long terme.  Substrat 50 à 70 % de drainant. Et le long terme ne pas convaincu. J'ai depuis mis cette espèce entre parenthèses, ayant surement eu la chance du débutant.

 

                          -Junipérus communis

Je teste aussi le junipérus avec  la technique lu dans un vieux France Bonsaï, avec je dois le dire une très bonne proportion de réussite, proche du 80 % ...

C'est à dire jardin d'hiver, substrat ultra drainant, charbon de bois et lui laisser le temps. Assez surpris sur le long terme, mais il faut être très patient avant de passer du pot de culture au pot plus regardable, mais même en petit pot shohin cette espèce à la patate. 

 

Où trouver vos petits prélèvements de plaine ?

         Les lieux les plus propices sont les près surpâturés, où les animaux ont broutés les arbres vu qu'ils n'ont plus rien à manger, ou simplement par carences ou envies...

Dans ce cas, les arbres avec le plus de patines seront les arbres en isolés, pas ceux en lisière car ces derniers auront tendance, par phototropisme, à rechercher la lumière, donc poussent en hauteur, sont peu broutés, racinaire emmélé, ... pas forcément les bons candidats...

         Les bords de chemins, où les services de l'état passent régulièrement un broyeur sur les bas côtés. Les vieux jardins et vieilles haies, dont on pourra trouver nombres d'espèces horticoles tels le pyracantha, le lonicera, cotoneaster, eleagnus...

         Les meilleurs racinaires se trouvent, si j'en crois mon expérience, dans les zones où la nappe phréatique remonte durant l'hiver. En effet les racines ont tendances à pourrir durant cette période et on ne retrouve que des racines en bonne santé en "surface".

 

 

  Je terminerais en vous souhaitant une bonne recherche, de longues balades qui seront tout autant de  moments d'observation de la nature.

Go search, Araki for ever.

CG.

Commentaires

  • Michel Di Paolo
    • 1. Michel Di Paolo Le 03/09/2021
    Bonjour et bravo pour l'expérience ,! merci pour ce partage simple et constructif... Michel

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