Achète du temps

"Quel âge il a votre bonsaï ? " Question récurrente... 

Très longtemps, je me suis  essayer aux semis, d'ailleurs sans grande réussite.

En faisant cette démarche, lue dans les bouquins, je pensais qu'un jour, je serais capable de les mettre en forme, de leurs donner des courbures ou des mouvements naturels. Mais c'est QUOI le naturel ? 

C'est curieux le "naturel" d'ailleurs : Quand je montre certains de mes arbres, qui sont donc pour la majorité issue de prélèvement,  certains ont des mouvements qui sont jugés artificiels.

Ces mêmes mouvements qui ont été réalisés par la nature elle-même... Donc, quoi de plus naturel ?

Pour avoir des mouvements intéressants, nous utilisons la ligature ; trop souvent ces mouvements créés sont tout sauf naturels et il faudra  le meilleur des outils pour "rectifier le tir"  : Le ciseau. C'est avec lui que nous obtiendrons de la conicité au niveau de nos branches, qui les fera grossir aussi, donnera la patine  et du "passage du temps"... Du naturel ? 

Ce qui est curieux, c'est que nous courons naturellement toujours après le temps, j'ai parfois l'impression d'être un mélange entre le lapin blanc d'Alice au pays des merveilles et un entrepreneur à chercher du temps. Alors même qu'en bonsaï, prendre son temps c'est en gagner...

Quand on achète un arbre, on achète du temps, voilà ce qu'on peut lire  parfois.

On va aussi acheter plus que du temps , on va acheter une idée, une mise en forme...

Bien souvent nos "fameux" prélèvements,  vrais yamadori ou pas, nous achetons du temps, une patine indéniable et bien souvent,  une idée que personne n'a eu...  puisque c'est la nature qui l'a eu , façonnée par les éléments qui l'ont construit et que, sur l'espace d'une vie, nous ne serions même pas sûr d'avoir de telles envies et de telles réalisations. Avec le temps et le travail, certains de nos arbres vont prendre une belle patine vont réussir à nous faire plaisir vont réussir à nous émouvoir. 

Dans ces arbres, nous créérons notre vision du naturel ( ou pas), notre vision du "bonsaï" comme nous l'entendons. 

Le temps passé se monnaye. Le passé ne s'achève pas, il nous poursuit.